De F2P à P2W, et autres dérives : les modèles économiques du jeu vidéo sauce capitalisme

10 février 2022 Aucun commentaire

CapitalismElle est loin l’époque où l’on se questionnait sur les DLCs et leur légitimité, il y a plus de 10 ans maintenant. Et ça n’a pas bien vieilli. On a continué à se diriger vers toujours plus d’acceptation envers des pratiques commerciales peu éthiques. Et ce sont ces pratiques qui me font écrire cet article aujourd’hui, ce capitalisme envahissant qui emporte tout sur son passage. Avant d’aller plus loin, il serait bon de définir de quoi nous parlons, car même si vous connaissez les acronymes F2P (Free to Play, en français « jouable gratuitement ») et P2W (Pay to Win, « payer pour gagner »), leur sens varie considérablement d’un jeu et d’une personne à l’autre, tant ces termes sont généralistes.

Mise en contexte du F2P

Les MMO, jeux massivement multijoueurs, sont les précurseurs d’un modèle qui s’est propagé en dehors de ce seul genre, le « GaaS » (Game as a Service) ou jeu vidéo en tant que service. Le principe étant d’avoir un jeu qui continue d’avoir du contenu supplémentaire sur la durée. C’est dans ce contexte qu’on est progressivement passés à de plus en plus de jeux adoptant le modèle du F2P, « gratuits », en apparence.
Cette gratuité n’est que dans le terme commercial, ou si on estime que notre temps a une valeur tellement faible qu’il ne vaut rien. Rare est la gratuité qui ne se paie pas d’une façon ou d’une autre. Vous avez surement déjà lu ou entendu cette fameuse phrase : « Si c’est gratuit, c’est vous le produit ». Un adage qui s’applique bien pour les données personnelles de manière générale. Mais pas toujours vrai, comme dans le cas de ce qui est libre ou open source. Dans notre cas, les coûts de production de ces jeux étant considérables et inflationnistes, si vous ne payez pas en monnaie sonnante et trébuchante quoi que ce soit, c’est votre voisin qui le fera à votre place. Et, dans certains modèles, ce même voisin vous échangera ce que votre temps passé sur le jeu aura produit, contre un peu de cette monnaie « premium ».
Petite parenthèse explicative sur cet échange et son fonctionnement. Le principe est assez simple :

  • D’un côté un joueur avec suffisamment de temps pour générer des ressources ou objets susceptibles d’avoir de la valeur dans l’économie du jeu. Il aimerait agrandir la taille de son coffre, mais pour cela il faut une monnaie dite premium obtenable initialement que via argent réel, en payant donc. Cette monnaie n’existe que dans le jeu et ne peut être reconvertie en argent réel. Il n’a pas les moyens ou l’envie de dépenser pour en obtenir, il va proposer à l’échange une partie de ce qu’il a accumulé contre de la monnaie premium.
  • De l’autre côté, un joueur qui a moins de temps, ou simplement trop pressé d’obtenir divers objets ou ressources pour améliorer son personnage. C’est lui qui va acheter cette monnaie premium pour l’échanger ensuite avec d’autres joueurs et ainsi obtenir ce qu’il souhaitait.

Un exemple de jeu disposant d’un tel système est Dofus (MMORPG à abonnement payant) avec ses « Ogrines », ou encore Warframe (TPS, F2P) avec sa monnaie appelée « Platinum ». On aura l’occasion de reparler de ce jeu par la suite. Des étapes intermédiaires peuvent exister comme dans le cas de Dofus où les échanges d’Ogrines entre joueurs se font uniquement avec des Kamas en face, la monnaie du jeu, non premium, obtenable en jouant de manières très variées. Ainsi le joueur qui paie en argent réel ira ensuite dépenser les kamas dans un hôtel de vente par exemple pour acheter les objets souhaités.
D’autres GaaS / F2P, probablement la majorité, n’ont pas adopté ce système, comme Path of Exile (PoE). La monnaie premium est bien là, sobrement appelée « Points », mais réservée à son usage propre et non échangeable. La raison principale de sa présence à peu près partout est décrite dans cet article (en anglais). Pour résumé, c’est d’ordre psychologique de façon à masquer le réel coût des achats avec cette monnaie, de stimuler l’aversion à la perte avec un solde qui ne finira quasiment jamais nul, mais insuffisant pour acheter ce que vous voudrez, et pour contourner d’éventuelles lois contre les jeux d’argent en rapport aux lootboxes.
L’adoption de ce modèle économique de type F2P est devenue de plus en plus populaire au fil du temps, au point qu’il peut devenir difficile de se faire une place selon son genre au milieu d’autres jeux concurrentiels existants. On peut par exemple parler des Battle Royale. Un des jeux emblématiques de ce genre étant PUBG, passé récemment de B2P (Buy to Play, « acheter pour jouer ») à F2P. En plus d’une concurrence accrue sur le genre, celui-ci a un facteur important qui pousse encore plus au modèle de F2P : Il faut beaucoup de joueurs. Chaque partie comprend généralement entre 60 et 100 joueurs. Ajoutez à cela un système de classement (souvent appelé MMR) pour équilibrer les parties autant que possible, et si votre jeu n’est pas suffisamment peuplé, il ne peut mécaniquement plus fonctionner.
On l’a dit plus tôt, le F2P n’est gratuit qu’en apparence. Tous ont différents biens obtenables contre de l’argent réel (aussi appelés microtransactions), de nature drastiquement différente d’un jeu à l’autre. C’est cette nature même qui cause des dissensions entre les joueurs quant au placement des jeux sur l’échelle allant du pur F2P, si tant est qu’il puisse exister, au P2W.
À noter également que le modèle du F2P, à mon grand dam, est de plus en plus présent dans des jeux qui n’ont pas ce modèle initialement. Ça revient à dire que des jeux payants, B2P ou à abonnement, ajoutent de nouveaux moyens de se financer en dehors même des traditionnels DLCs qu’on a pu connaître jusque-là. Soit par une nature changeante de ces DLCs, soit par un fonctionnement identique aux F2P avec des microtransactions.

P2W, éternel combat

Si vous avez déjà joué à un F2P, vous avez 99.9% de chances d’avoir déjà vu ce terme « P2W ». Sujet à débats perpétuels n’ayant qu’un intérêt très faible tant les arguments avancés sont souvent assez ridicules. Ces débats restent la majeure partie du temps en surface, à se battre sur la forme plutôt que le fond.

P2W, ah bon ? Et on gagne quoi ? Y’a pas de PvP, ça ne peut pas être P2W !
On peut tout avoir gratuitement, c’est pas P2W ! Et puis d’abord, tout obtenir en payant c’est se ruiner le plaisir de jeu.
Les avantages sont faibles, c’est optionnel !

De ce terme est né des termes comme P2F (Pay to Fast, « payer pour accélérer »), qui si je devais être médisant, reviendrait à dire que des joueurs qui paient ne veulent pas être catégorisés comme des personnes « sans mérite » (pour rappel, le mérite n’existe pas), et préfèrent ainsi dire que c’est juste du P2F. Mais ce serait très réducteur. Déjà parce qu’il y a un fond compréhensible quant à la recherche d’un autre descriptif que P2W, et ce terme P2F est utilisé par plusieurs profils de joueurs, y compris certains se targuant de jouer gratuitement.
D’ailleurs avant d’aller plus loin, parlons-en, de ces profils de joueurs qui sont souvent simplifiés au nombre de 3 :

  • Les joueurs F2P : nom utilisé pour désigner ceux qui jouent gratuitement sans rien payer.
  • Les dauphins : joueurs dépensant des sommes relativement raisonnables. Quelques skins, un abonnement ou autres biens améliorant la QoL (Quality of Life, littéralement « qualité de vie »), comprendre confort supplémentaire impliquant généralement un gain de temps.
  • Les baleines (ou whales en anglais) : joueurs dépensant des sommes dépassant la raison parce que les jeux sont faits pour et le permettent, par divers procédés. Ce sont elles qui financent majoritairement les jeux concernés. On parle en général de sommes dépassant le millier d’euros sur un jeu, et ça peut monter à plusieurs dizaines de milliers. Un exemple récent entendu dans un très bon podcast parlant de Lost Ark, Saintone dit avoir dépensé une somme à 5 chiffres.

Lost Ark - Top ventes mondiales sur SteamCes dépenses possibles dans les F2P n’ont pas toutes la même saveur, et pour éviter d’avoir à le regretter, il est bon d’être en phase avec ce que nous acceptons ou non dans un jeu. Afin de ne pas céder à un éventuel engouement (hype) général par exemple, sans s’être suffisamment renseigné(e) auparavant. Un bon exemple étant Lost Ark et ses packs fondateur dans le top des ventes mondiales sur Steam alors même qu’aucune information détaillée concernant sa monétisation n’était connue. Un communiqué devait être fait, il n’est jamais arrivé.
Venons en à cette définition du P2W, jeu où l’on peut payer pour gagner. Le cœur de la bataille observable sur n’importe quel jeu supposément gratuit est celui de ce qu’il y a concrètement à gagner. On retrouve de nombreux points de vue auprès des joueurs sur ce qui est P2W ou non :

  • Le point de vue extrême consistant à dire qu’un jeu est P2W uniquement s’il y a du PvP dans lequel on peut payer pour avoir des avantages sur ses adversaires et ainsi gagner plus facilement.
  • La présence de PvE compétitif et d’une possibilité d’avoir des avantages pour ce contenu en payant. Par compétitif, il est souvent question de classement en jeu. S’il n’y a pas de classement en jeu, ça n’est parfois plus considéré ainsi par ceux aux points de vue extrêmes.
  • La possibilité d’acheter des objets issus du jeu de nature non cosmétique dans une boutique auprès des exploitants du jeu, ou auprès des joueurs (nous parlions de monnaie premium servant à des échanges plus tôt, c’est de ça dont il s’agit ici).
  • La possibilité d’acheter des biens exclusifs offrant un quelconque avantage. Exclusifs au sens qu’ils sont uniquement disponibles dans la boutique de microtransactions du jeu. Deux grosses catégories ici d’avantages :
    • Augmentation de puissance, temps gagné important via boosts (XP, ressources, …) et via des options de confort.
    • Options de confort pouvant conduire à du temps gagné, mais faible. Essentiellement du stockage supplémentaire dans des coffres.

À chaque fois, c’est à pondérer par la puissance relative des avantages dont il est question. Une chose étant sûre, vous trouverez toujours quelqu’un pour défendre un jeu considéré P2W par une très grande majorité. Que ce soit parce que cette personne aime énormément ce jeu et y a joué gratuitement en se hissant aux sommets : « Si c’était vraiment un jeu P2W, comment diable aurais-je pu arriver au niveau des plus grosses baleines présentes ? ». Ou encore par déni, etc.
Je vais maintenant vous donner les 3 critères qui selon moi permettent d’établir à quel point un jeu est ou non P2W. Partant de ces critères, il s’agit ensuite de définir un seuil éthique à partir duquel on considère qu’un jeu est P2W. La nature de ce que l’on retrouve au niveau de chaque critère doit aussi être évaluée. Il est accepté que tout ce qui est cosmétiques, pour un jeu F2P, est ce qu’il y a de plus acceptable comme biens. Alors que des objets exclusifs apportant une puissance certaine à votre personnage seront à l’opposée du spectre.

  • Critère d’exclusivité : Biens uniquement vendus par les exploitants du jeu. Aussi bien contre de la monnaie premium que de l’argent réel. L’ensemble des microtransactions de Path of Exile par exemple (cosmétiques, stockage supplémentaire et praticité du stockage), ou encore les boosts d’XP et de ressources de Warframe, tout ou partie principale des microtransactions d’un gacha comme Genshin Impact, etc.
  • Critère de temps gagné : Le temps que vous pouvez gagner en payant comparé à quelqu’un qui joue de façon gratuite. Des boosts d’XP et de ressources comme ceux de Warframe qui doublent les taux de base, aux options de confort allant du plus léger comme des recherches 10% plus rapides dans votre forteresse sur Lost Ark aux plus vitales pour une bonne expérience de jeu tel un familier qui ramasserait des loots pour vous dans un jeu qui en fait tomber sans arrêt. Les ressources permettant de simplifier / accélérer l’enchantement d’objets (augmentant ses stats en passant l’item en « +1 », « +10 », …) sont fréquemment en vente dans ces jeux. C’était déjà le cas à l’époque d’Aion, Lost Ark le fait aussi, Black Desert Online avec ses crons, et bien d’autres. Durant mes recherches, j’ai eu vent d’objets en vente dans Blade & Souls faisant gagner littéralement des mois de jeu (vidéo).
  • Critère de coût : Celui-ci est assez vaste et peut-être séparé en 3 sous-critères :
    • Le coût maximal théorique : En liaison directe avec l’éthique qu’ont les exploitants du jeu. Y a-t-il une limite au niveau de votre équipement ? Peut-on payer pour l’améliorer ou accélérer son amélioration ? Combien doit-on dépenser dans un gacha pour avoir des personnages de qualité / rareté maximale à leur potentiel maximal ? Pour résumer, c’est la limite à partir de laquelle continuer de payer n’offre plus d’avantage supplémentaire. Parfois, elle n’existe tout simplement pas.
    • Le coût du confort : En considérant les options de confort disponibles, ce coût indique combien vous coûterait l’obtention de celles-ci. Un jeu comme Path of Exile aurait ainsi son coût fixé au prix de quelques onglets de coffre. Comme la vidéo ci-dessus sur Black Desert Online l’indique, il y aurait un coût fixe de 160$ et un abonnement mensuel de 15$. Abonnement que l’on retrouve très fréquemment parmi les F2P.
    • Le coût moyen des biens : Il s’agit d’apprécier si les prix fixés peuvent être considérés justes. De façon générale, ce n’est pas le cas. Les cosmétiques s’élevant à des prix souvent prohibitifs. Toujours en prenant l’exemple d’un jeu que je connais bien, Path of Exile, un skin complet d’armure hors promotion coûte environ 40 à 80€.

Malgré ces critères, on reste dans une considération finale subjective et il est techniquement possible de considérer tout F2P comme P2W, ou l’inverse. Si je suis plutôt en désaccord avec un streamer comme Nugiyen, les nombreuses discussions autour du sujet dernièrement en rapport avec la sortie de Lost Ark m’ont permis de voir un peu différemment cet aspect P2W. Dans le sens où finalement, peut-être que le terme P2W est aussi mal choisi que celui du F2P. J’aime bien le terme de Free to Pay (« libre de payer ») pour F2P. Ce que sont finalement les jeux qui se disent Free to Play. Après tout, ce sont des GaaS et il est normal de chercher à avoir une rentrée d’argent constante pour continuer le développement du jeu. Que cela passe par un abonnement, via un coût unique d’achat d’options de conforts conservées de façon permanente, ou encore via des packs de cosmétiques réguliers, etc. On peut considérer que c’est le prix moyen du jeu finalement. Reste que d’un exploitant de jeu à l’autre, l’éthique relative est très volatile. Même parmi les modèles de F2P les plus acceptables tel que dans le cas de Path of Exile, avec leurs lootboxes de cosmétiques ou leurs prix de manière générale. À leur décharge, le contenu de ces lootboxes est disponible à l’achat dans la boutique quelques mois après. On reste tout de même sur un élément de monétisation discutable. Je suis certain qu’il est possible d’avoir un modèle économique éthique sur un GaaS à base de cosmétiques à coût raisonnable et sans options de conforts payantes.
Enfin, j’aimerais partager une considération faite à la base avec Warframe en tête. Plus tôt en blaguant sur les justifications données par les défenseurs du P2W, j’avais mis que « tout obtenir en payant c’est se ruiner le plaisir de jeu ». Le fond n’est pas nécessairement faux. En dehors du rang de l’équipement, à peu près tout peut être acheté dans Warframe. Pourquoi permettre cela ? N’a-t-on pas confiance en l’expérience offerte par le jeu pour en permettre de s’en affranchir ?

Mixage des modèles économiques

De plus en plus, les éléments des modèles économiques de F2P se retrouvent dans les B2P. Et pas seulement des GaaS / MMO, les jeux solo également. Prenant ainsi le meilleur des 2 mondes pour un profit maximal. Bienvenue dans le jeu vidéo sauce capitalisme. Un monde où vous payez votre jeu, mais où ça n’est plus suffisant.
Ce que j’entends par éléments de F2P, ce sont concrètement des cosmétiques, de la monnaie in-game, des objets ou même des niveaux. Ainsi, vous vous retrouvez à payer votre jeu, ses extensions / DLCs, et derrière des costumes & cie à la pièce ou en pack. C’est le cas du dernier Tales of, Tales of Arise. Des derniers Ys dans une moindre mesure. De Naraka: Bladepoint. Des Borderlands qui sont les pires au niveau de leurs DLCs à partir du 2. Une pratique fréquente au niveau des jeux payants est de sortir un « Season Pass », pack des DLCs à venir d’un jeu. Borderlands 2 a été le premier jeu pour lequel j’ai vu une utilisation abusive du Season Pass avec des DLCs sortis non contenus dans celui-ci. Une des rares fois où les critiques Steam montrent qu’il y a un souci. Mais ce n’était pas assez. Ainsi dans Borderlands 3, il n’y a pas un mais 2 season passes. Les 2 derniers Monster Hunter, World et Rise ont également une quantité hallucinante de cosmétiques (~200€ pour l’un, ~500€ pour l’autre), avec comme cerise sur le gâteau une limitation sur la modification de l’apparence de son personnage. Passé la première modification, il faut acheter des coupons de modification d’apparence pour cela. Dans un jeu solo pour rappel, et avec coopération en ligne possible.
Pour des exemples de MMO payants, on peut citer Dofus qui d’un système à abonnement à doucement introduit une boutique en plus. Quand la monnaie premium que sont les Ogrines a été introduite, l’aspect P2W a été introduit en permettant ainsi l’échange de ces Ogrines contre des Kamas (pour rappel, cf. ci-dessus, la monnaie du jeu, non premium). Kamas à leur tour échangeable contre à peu près tous les objets du jeu dès qu’ils peuvent être mis en vente.
Un autre exemple, plus connu cette fois-ci, World of Warcraft. Payant de même que ses extensions a également introduit une boutique avec des éléments qu’on peut assez facilement qualifier de P2W. Que ce soit le sésame qui permet de passer directement à un certain niveau ou l’introduction des WoW Tokens. Tous deux permettant d’échanger de l’argent contre du temps gagné. L’un sous forme de niveaux, l’autre sous forme de monnaie en jeu (via la vente du jeton à l’hôtel des ventes) pour ensuite acheter les objets souhaités en jeu.
Les exemples ne manquent pas, et sont vraiment de plus en plus fréquents et acceptés, voire défendus par le public.

Ressenti et futur

Pour finir cet article, j’aimerais parler de la raison pour laquelle j’ai fait cet article. J’ai un rapport passionnel avec les jeux vidéo. Cette passion est présente chez d’innombrables joueurs et joueuses tant le médium est unique. Cependant, cette peste qu’est la monétisation toujours plus prédatrice entache ce monde vidéoludique. Je hais profondément le monde dans lequel nous vivons sur de nombreux aspects dont le système que nous utilisons qu’est le capitalisme et ce qu’il cause comme conséquences.
Les jeux vidéo sont souvent décrits comme un moyen de « s’évader », comme certains invités d’Une dernière partie (émission Twitch d’Arte présentée par Merry) l’ont dit, et je fais partie du lot. Plus le temps passe, plus je vois ce capitalisme s’inviter dans les jeux vidéo via leur modèle économique. Ce que le P2W incarne. Et cela me pousse à parfois avoir une rage incroyable envers les responsables de ce basculement.
Le fenêtre d’Overton, qui image l’ensemble de ce qui est acceptable, ne fait que se déplacer vers le pire dans ce domaine. Jusqu’où ira-t-on ? À l’heure actuelle, nous en sommes à des défenses quelquefois virulentes de ces modèles, au goût léger de lutte des classes. Il semblerait qu’en Corée, aussi étonnant que cela puisse paraître, Lost Ark pousse les autres compagnies à s’adapter vers des modèles économiques un peu plus respectueux des joueurs, malgré son aspect P2W. À prendre avec des pincettes et à nuancer, on reste sur un P2W, mais on peut imaginer qu’on tend vers un modèle économique commun qui viendra fixer la relative limite des P2W. Le P2W étant là-bas très présent et accepté, contrairement à l’Occident où c’était jusqu’à peu pas vraiment le cas. Pas que ça le soit déjà complétement non plus, mais on y vient. C’est d’ailleurs une conclusion que j’ai également pu lire durant mes recherches dans un article (en anglais) de 2018 d’Eustance Huang pour CNBC.
Je m’abstiendrai de parler de NFTs et de Play to Earn (« jouer pour gagner de l’argent »), peut-être dans 10 ans ? Comme la distance séparant cet article de celui sur les DLCs cité en début d’article.
J’avais prévu depuis de nombreux mois maintenant un article sur le respect du temps des joueurs, qui finalement est intrinsèquement lié à celui-ci tant l’aspect du temps achetable est central dans le concept du P2W. Je n’en avais qu’écrit l’introduction, et il était essentiellement question des hack’n’slash (sous-genre des Action-RPG) et des rogue-likes / rogue-lites (lite de par la présence d’améliorations permanentes d’une partie à l’autre). Ce respect me tient tout autant à cœur que ce dont on a discuté dans cet article. Il est bon de prendre du recul sur notre pratique et de se poser des questions sur la façon dont ce qui nous est présenté a été fait, dans quels buts. S’il y a des dark patterns, autrement dit une utilisation de biais cognitifs à l’encontre du joueur. Certains développeurs ou éditeurs font appel à des équipes dédiées uniquement à rechercher comment exploiter ces biais au mieux. Epic a fait ça très bien avec Fortnite, petite vidéo sur le sujet de Doc Géraud (10 min). En un peu plus long, il y a aussi un Game Spectrum sur Fortnite (53 min), qui se focalise un peu plus sur la rétention. Les interventions de Thomas Plank y sont particulièrement intéressantes. Si l’aspect amusement qu’un jeu procure est généralement essentiel, ne négligeons pas ce que le jeu apporte, ou devrait apporter, aux joueurs et joueuses.

Image utilisée sous licence provenant de Freestock.com

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